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Allez-vous élire un futur cumulard ?

Le Monde.fr

Le 28.02.2014 à 11h13

 

Par Maxime Vaudano

 

Trois ans : c’est le sursis qu’ont obtenu les parlementaires français avant le couperet du non-cumul des mandats, qui les obligera en 2017 à choisir entre leur siège de député ou de sénateur et leur mandat exécutif local (maire, président de conseil général, vice-président de conseil régional…). Pour les députés européens, le délai est même renvoyé à 2019.

Alors que le PS plaidait initialement pour une application du non-cumul dès 2014, le choix de 2017 a eu une conséquence de taille : plus de 350 parlementaires vont repartir dans la bataille des municipales en mars prochain, avec en ligne de mire un poste de maire ou d’adjoint qui pourrait les placer en situation de cumul dans trois ans. Une bonne centaine de leurs collègues, muets sur leurs intentions, pourrait les rejoindre.

Lire : Les parlementaires rechignent à céder leur mairie

 

LE NOUVEAU RECUL DU PS

Cent à cent-cinquante de ces « candidats au cumul » sont issus des rangs du Parti socialiste, qui s’était engagé à mettre fin à cette pratique dans les rangs de ses élus en 2010, 2012 puis 2014… avant chaque fois d’y renoncer.

Lire : Cumul des mandats : les socialistes rompent une quatrième fois leur promesse

Alors que la première secrétaire Martine Aubry avait forcé les candidats aux législatives de 2012 à s’engager par écrit à renoncer au cumul, le PS se montre aujourd’hui beaucoup plus discret. « Nous n’avons pas à imposer quoi que ce soit à nos candidats, explique Christophe Borgel, secrétaire national aux élections. C’est leur choix, nous n’avons pas à interférer. » L’ancien rapporteur du projet de loi sur le non-cumul assume l’aspect stratégique de ce positionnement. D’un côté, le PS a écarté l’idée de faire démissionner ses députés cumulards. Ce scénario aurait provoqué une « mini-dissolution », selon les termes de Manuel Valls, mettant en danger la fragile majorité présidentielle au Parlement. De l’autre, « le parti pousse le maximum de députés à se présenter pour gagner les villes », raconte la députée de Corrèze Sophie Dessus.

Conséquence de cette realpolitik : de nombreux opposants farouches au cumul des mandats ont ravalé leurs promesses, à l’image de Nathalie Appéré, lancée à la conquête de la mairie de Rennes. Celle qui promettait il y a un an de démissionner de l’Assemblée nationale en cas d’élection y a désormais renoncé pour ne pas provoquer d’élection législative partielle. Tous mettent désormais en avant l’horizon 2017. « Je n’ai jamais trouvé d’avantage à se situer mieux que la loi, à laver plus blanc que blanc », explique ainsi le maire socialiste d’Avalon, Jean-Yves Caullet, qui réserve encore son choix pour 2017. « C’est grâce au PS que la loi existe, on ne peut rien nous reprocher », renchérit Christophe Borgel.

Lire : A Rennes, Nathalie Appéré, la candidate PS, s'est ravisée

Pour relativiser ce recul, la majorité aime à répéter que la loi produira ses effets politiques dès cette année, puisque les candidats aux municipales seront amenés à annoncer quel mandat ils privilégieront. Très peu l’ont fait pour l’instant, à l’exception des sénateurs-maires de Lyon et de Dijon, Gérard Collomb et François Rebsamen, qui promettent de démissionner du palais du Luxembourg en 2017 pour se consacrer à leur mairie, ou de Christian Eckert, qui privilégiera l’Assemblée à la mairie de Trieux. Sophie Dessus, remplaçante de François Hollande à l’Assemblée nationale, est ainsi « incapable de dire » quel mandat elle choisira en 2017. L’exigence de transparence est pourtant utilisée comme une arme par beaucoup de challengers, comme l’a constaté 20 Minutes. « S’ils ne veulent pas s’exprimer là-dessus, c’est leur droit, botte en touche Christophe Borgel. Tant mieux pour eux s’ils estiment pouvoir être élus comme ça. »

 

Les sénateurs, plus vigoureux opposants du non-cumul au sein du Parti socialiste, ne sont pas les plus nombreux à vouloir prolonger leur cumul jusqu'à 2017. Les députés socialistes, favorables à plus de 90 % à la loi, représentent les trois quarts de ces « candidats au cumul ».

Dernière mise à jour des chiffres : 27 février

 

LES EXCEPTIONS ECOLOGISTES

Europe Ecologie-Les Verts, défenseur de longue date du non-cumul, est plus fidèle à ses principes. Sur ses 45 parlementaires, trois sont toutefois tête de liste aux municipales, en comptant le maire de Bègles, Noël Mamère, qui a quitté le parti à l’automne. Karim Zéribi, candidat à la mairie de Marseille, visera en mai sa réélection au Parlement européen (lien abonnés). En revanche, sa collègue eurodéputée Hélène Flautre, tête de liste à Arras, mettra fin à sa carrière européenne au terme de la législature, en mai.

La plupart des autres parlementaires écologistes ont préféré se retirer, comme Laurence Abeille à Fontenay-sous-Bois, ou se présenter pour un poste de simple conseiller municipal, sans mandat exécutif – ce que la loi permettra, même après 2017. C’est par exemple le cas du député Christophe Cavard à Nîmes. Mais pour Christophe Borgel, cette « exemplarité » affichée par les écologistes est un trompe-l’œil : « Il est facile de prendre des engagements quand on n’a pas de maire sortant. »

Les radicaux de gauche, farouches opposants du non-cumul (lien abonnés), le montrent dans leurs candidatures : en comptant les indécis, on compte pas moins de 13 parlementaires lancés dans la bataille des municipales, sur un total de 22.

Comme Eric Bocquet, sénateur-maire de Marquillies (Nord), une dizaine de communistes s’alignent peu ou prou sur la position des socialistes, qu’ils aient voté pour ou contre la loi : « J’appliquerai la loi comme tout le monde, en 2017. Ces trois ans me permettront de préparer la transition en douceur avec mon successeur en mairie. Mes électeurs le comprennent. »

 

LES PARADOXES DU FN

A droite, plus de 160 parlementaires UMP pourraient se retrouver en situation de cumul, ainsi qu’une trentaine de centristes de l’UDI. Parmi eux, trois des cinq députés de l’UMP qui avaient voté en faveur de la loi sur le non-cumul sont quand même candidats aux municipales de mars : Jean-Luc Moudenc a promis d’abandonner son siège à l’Assemblée en cas d’élection à Toulouse, tandis que Laurent Marcangeli (Ajaccio) et Sylvain Berrios (Saint-Maur-des-Fossés) se sont engagés à ne se présenter à aucune autre élection pendant leur mandat municipal.

Les deux députés du Front national ne se sont pas embarrassés de telles précautions : Gilbert Collard et Marion Maréchal-Le Pen, qui ont tous deux voté en faveur de la loi pour arrêter d’être « des élus à temps partiel », regrettaient que son entrée en vigueur aient été différée à 2017. Ils sont pourtant tous les deux candidats aux municipales, à Saint-Gilles (Gard) et à Sorgues (Vaucluse).

 

Ce que prévoira la loi

A partir des élections législatives de 2017, il sera interdit pour les députés et sénateurs d’occuper une fonction exécutive locale :

  • Maire, maire d’arrondissement, maire de secteur, maire délégué, adjoint au maire
  • Président ou vice-président de conseil général
  • Président ou vice-président de conseil régional
  • Président ou vice-président d’intercommunalité ou de métropole
  • Fonction exécutive d’une assemblée ou d’un gouvernement de Corse ou d’outre-mer

La même incompatibilité frappera les députés européens français à compter des élections européennes de 2019.

En revanche, il restera possible pour les parlementaires d’occuper un mandat local simple, comme conseiller municipal ou conseiller régional.

 

Comment Le Monde.fr a travaillé

Pour établir la liste des parlementaires « candidats au cumul », nous avons épluché toutes les informations publiques disponibles (presse locale, blogs, sites) concernant l’éventuelle candidature aux élections municipales de chacun des 999 parlementaires français (577 députés, 348 sénateurs, 74 députés européens). Nous avons écarté de cette liste tous les parlementaires candidats à une position non éligible ou à des fonctions non exécutives (conseiller municipal simple), car il ne s’agirait pas de cumul au sens où la loi l’interdira à partir de 2017 et 2019.

En cas de suspicion légitime de candidature, et en l’absence d’annonce officielle, nous avons classé les parlementaires dans la catégorie « candidature non confirmée », repérée par la couleur orange. Ceux qui se sont déjà engagés à démissionner de leur mandat parlementaire en cas d’élection sont repérés par la couleur verte : « promesse de non-cumul ».

Certaines informations ou actualités ayant pu échapper à notre examen, nous nous invitons à nous signaler toute erreur ou oubli grâce au formulaire mis en place à cet effet. Cela nous permettra de mettre à jour la base de données en temps réel.

Il est à noter qu’il pourrait y avoir au terme de cette année électorale de nouveaux « cumulards » non référencés dans cette base : de nouveaux députés européens élus en mai prochain, qui posséderait par ailleurs un mandat exécutif local.

 

 

Député-maire, le modèle dominant au PS

Created with Highcharts 3.0.9Promesse de non-cumulCumul en cas d'électionCandidature non-confirméeDéputés PSSénateursPSDéputéseuropéensPS050100Députés européens PSCandidature non-confirmée: 1Cumul en cas d'élection: 2Promesse de non-cumul: 0

Les sénateurs, plus vigoureux opposants du non-cumul au sein du Parti socialiste, ne sont pas les plus nombreux à vouloir prolonger leur cumul jusqu'à 2017. Les députés socialistes, favorables à plus de 90 % à la loi, représentent les trois quarts de ces « candidats au cumul ».

Dernière mise à jour des chiffres : 27 février

 

A Paris, pas de maire cumulard

Il est d’ores et déjà acté que Paris n’aura pas de maire cumulard, comme c’était le cas sous Jacques Chirac et Jean Tibéri.

A gauche, Anne Hidalgo a fixé une règle de non-cumul à ses têtes de liste, qui a empêché les députés-maires sortants Pascal Cherki, Daniel Vaillant et Patrick Bloche de se représenter. Seule exception accordée par Anne Hidalgo : la députée Annick Lepetit, tête de liste dans le XVIIe, qui a promis de démissionner de son mandat national en cas de victoire.

A droite, seule Nathalie Kosciusko-Morizet s’appliquera la règle du non-cumul dès 2014 : si elle est élue maire de Paris, elle abandonnera son mandat de députée de l’Essonne. Les têtes de liste Philippe Goujon (député), Claude Goasguen (député) ou Rachida Dati (députée européenne) n’ont rien annoncé de tel. Marielle de Sarnez a même clairement affiché sa préférence pour le Parlement européen, où elle tentera de se faire réélire lors des européennes de mai prochain.

 

 

 



01/03/2014
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