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Année fatidique de présidence pour Didier Burkhalter

Swissinfo.ch

04 décembre 2013 - 08:30

Par Andreas Keiser, swissinfo.ch

Longtemps, il a été considéré comme un acteur discret. Ces derniers mois, sa politique a pris du relief. En 2014, le ministre des Affaires étrangères Didier Burkhalter occupera la présidence tournante de la Confédération. Selon les correspondants suisses de médias étrangers, il fait du bon travail, mais loin des feux de la rampe.

Il n’aime pas les «shows politiques», avait-il déclaré en 2009, peu avant son élection au Conseil fédéral et son entrée au ministère de l'Intérieur. Depuis près de deux ans maintenant, Didier Burkhalter est ministre des Affaires étrangères. A ce poste, il a rencontré presque tous ses homologues des 27 pays de l'Union européenne (UE). Cet automne, il a été le premier chef de la diplomatie helvétique à effectuer une visite d’Etat en Australie, pays qui occupera en 2014 la présidence du G20. Sans atteindre son but, qui était de faire inviter la Suisse au sommet ministériel de l’organisation. L'Australie a donné une réponse négative le 1er décembre.

La récente conférence de Genève sur l'Iran s’est achevée elle sur une percée. Celle qui restera comme l’une des réunions les plus positives de ces dernières années s’est tenue grâce à l’entremise de la diplomatie helvétique. 
Quant aux relations bilatérales entre la Suisse et l'UE, elle sont dans l’impasse depuis des années. Didier Burkhalter a renoncé à l'ancienne tactique attentiste et, non sans quelques difficultés au départ, s’est montré décidé à régler le problème.

 

Différences de style.

L'inventaire n’est de loin pas complet, mais il démontre que le tableau de chasse de Didier Burkhalter n’a rien à envier à celui de sa devancière Micheline Calmy-Rey. Et pourtant, sa personne et sa politique extérieure sont moins connues du grand public. Cela s’explique par ses interventions à la fois discrètes et concrètes.
 Micheline Calmy-Rey, elle, a traversé la frontière entre les deux Corées, symboliquement certes, mais avec des chaussures rouges et accompagnée de caméras de télévision. Elle portait un foulard sur la tête en rencontrant à Téhéran le président Ahmadinejad lors de la signature d’un contrat de livraison de gaz iranien à un distributeur suisse. Un soir, elle est allée chanter Edith Piaf à la télévision. Les images de ces évènements ont fait la Une des médias, parfois aussi à l’étranger.

 

Didier Burkhalter

Né en 1960 à Auvernier, dans le canton de Neuchâtel, où il a étudié les sciences économiques. Il est marié et a trois enfants.
Depuis 1985, il est membre du Parti libéral-radical (PLR). En 1991, il est élu au gouvernement de la Ville de Neuchâtel, où il siège jusqu'en 2005.
En 2003 il est élu député au Conseil national (Chambre haute du Parlement suisse). En 2007, il réussit l’élection au Conseil des Etats (sénat).
Le 16 septembre 2009, l’Assemblée fédérale l’élit au Conseil fédéral (gouvernement). De 2010 à 2011, il dirige le Département de l’Intérieur et, depuis le 1er janvier 2012, celui des Affaires étrangères.
En 2014, il sera à la fois président de la Confédération et de l'OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
(Source: DFAE)

 

Connu seulement d’une petite élite

«En Allemagne, qui est notre plus important partenaire commercial, personne ne connaît le nom de Burkhalter, à part une petite élite. Celui de Calmy-Rey était plus connu», note Peer Teuwsen, chef de la rédaction suisse de l'hebdomadaire allemand Die Zeit.
 «Je crois qu’il y a aussi des gens à l'étranger qui ne se souviendraient jamais d'un ministre des Affaires étrangères suisse mais qui avaient entendu parler de Micheline Calmy-Rey», confirme Haig Simonian, ancien correspondant suisse du journal économique anglophone Financial Times.
Au contraire, Didier Burkhalter est un total inconnu en Grande-Bretagne. Lui-même ne le connaît pas personnellement, ajoute Haig Simonian. De loin, il le considère comme «maîtrisant convenablement le français et l'allemand, correct, libéral et avec les pieds sur terre, mais anonyme et incolore». Mais: il y a des gens dans son entourage proche qui remarquent que c’est peut être la première impression, mais que l'homme est sociable, gai et aimable.

 

Discret et professionnel

Peu après son entrée en fonction, Didier Burkhalter a exposé les points principaux de sa politique extérieure et expliqué qu’il voulait mettre l’accent sur les relations avec les pays voisins et avec l'UE. Dans l'intervalle, le ministre a lancé le mouvement. Il a réagi aux pressions de l'Union et à ses exigences en matière d’acquis communautaire du droit européen. Encore avant la fin de l’année, le gouvernement fédéral posera des jalons pour de nouvelles tractations. Le fond de la question est que la Cour de justice européenne doit prendre position en cas de controverse sur l'interprétation du droit bilatéral. Mais, en tant que non membre de l’Union, la Suisse ne veut pas renoncer à sa souveraineté.
«Il le fait bien. Dans ce domaine, il est important de travailler de manière discrète mais professionnelle, analyse Haig Simonian. La Suisse n'a pas le choix. Bruxelles dit clairement qu’elle a besoin d’un autre genre de relation. Le droit européen change si rapidement qu’elle ne veut pas avoir à négocier toutes les minutes avec la Suisse.»
Didier Burkhalter a reconnu cela et «ce qu’il a proposé est une solution plutôt bonne pour les deux parties, j'espère que la Suisse l’acceptera», ajoute Haig Simonian.

 

Le président de la Confédération

Le président dirige les séances du Conseil fédéral et assume des tâches de représentation en Suisse et à l'étranger. Simultanément, il dirige son département et est considéré comme «primus inter pares», c’est-à-dire qu’il n'est pas supérieur aux autres ministres. 
La fonction est limitée à un an et l’élection déterminée selon le principe d’ancienneté au sein du gouvernement. 
En matière de politique extérieure, la compétence n’incombe ni au ministre des Affaires étrangères, ni au président de la Confédération, mais au Conseil fédéral dans son ensemble, selon la Constitution.

 

La libre circulation: un droit fondamental

L'acceptation sera un point décisif. Comme toujours, les problèmes institutionnels peuvent être résolus, mais il se peut que la solution doive encore recevoir la bénédiction du peuple. La résistance est programmée. En février déjà, la question pourrait se poser avec la votation sur l'initiative contre l'immigration de masse lancée par la droite conservatrice de l’UDC, un texte qui touche l’un des droits fondamentaux de l'UE: la libre circulation des personnes. Cela vaut aussi pour la votation, probablement en automne, sur l'extension de la libre circulation des personnes à un nouveau membre de l'Union, la Croatie.
«L'année prochaine sera une année fatidique pour la Suisse, dit encore Peer Teuwsen. Elle devra décider une fois pour toutes de l’attitude à adopter à l'égard de l'Europe et, là, Monsieur Burkhalter jouera un rôle décisif.»
En d’autres termes: en 2014, le président de la Confédération ne devra pas seulement représenter les intérêts de la Suisse et être actif sur la scène diplomatique, mais il devra aussi convaincre le peuple suisse d’accepter la politique européenne du gouvernement. Cela exigera non seulement qu’il soit présent sur tous les canaux publics possibles, mais aussi qu’il retrousse ses manches et qu’il se lance dans le «show politique».

 

Résultats du scrutin

Didier Burkhalter, libéral-radical neuchâtelois de 53 ans, a été élu mercredi 8 décembre par l'Assemblée fédérale par 183 voix sur 202 bulletins valables. Le chef de la diplomatie suisse succède au démocrate du centre (UDC, droite conservatrice) Ueli Maurer, élu en 2012 avec 148 voix. 
La Bernoise Simonetta Sommaruga sera la vice-présidente du Conseil fédéral La cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP) a recueilli 180 voix sur 205 bulletins valables.

(Adaptation de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

 



28/12/2013
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