Suisse Avenir

Immigration en Suisse : les frontaliers craignent pour leurs emplois

Le Point.fr

Publié le 11/02/2014 à 07:58

 

De notre correspondante à Lyon, Catherine Lagrange

 

Les Français qui travaillent en Suisse craignent la fermeture du marché du travail. Et d'avoir des difficultés à renouveler leur permis de travail.

 

Les 278 000 étrangers, dont 165 000 frontaliers français qui travaillent en Suisse, ont pris comme un véritable coup de poing la votation réclamant "la fin de l'immigration de masse". Le Groupement transfrontalier européen (GTE), qui revendique 36 000 adhérents, a immédiatement réagi en "regrettant profondément" cette décision. "La Suisse vient d'envoyer un message négatif aux étrangers et aux frontaliers", a écrit l'association sur la page de garde de son site internet. Depuis lundi matin, les appels et les courriers inquiets affluent. "Il n'y a pas d'impact immédiat, car il faudra trois ans pour mettre en place cette initiative", leur répond-on.

"Il y a beaucoup d'inquiétude, sur l'emploi, mais aussi sur la protection sociale", résume Laurence Coudière, chargée de la communication du GTE, "les transfrontaliers veulent savoir quelles seront désormais les conditions d'accès au chômage, à l'assurance maladie, à la retraite, à l'invalidité". Les questions portent également sur la reconnaissance des diplômes universitaires, ainsi que sur les modalités d'obtention des permis de travail. "Les frontaliers se demandent aussi s'ils ne vont pas être licenciés", rapporte encore Laurence Coudière.

"Avec la préférence cantonale, on demandera aux employeurs suisses de justifier qu'ils ont fait des recherches préalables sur le territoire, poursuit-elle, et des autorisations de travail, qui n'étaient jusqu'à présent qu'une formalité remplie en trois semaines, devraient passer devant une commission et être renouvelées régulièrement."

 

"Mal aimés des deux côtés de la frontière"

Marc Gamberaza, 31 ans, travaille à Genève à l'Organisation du commerce extérieur du Japon. Faute d'avoir trouvé à se loger à Genève, il s'est installé à Nernier, un village de Haute-Savoie, et passe la frontière tous les jours depuis huit ans. Il ne cache pas son inquiétude. "On ne sait pas encore comment sera mise en oeuvre cette votation, mais les embauchés comme moi craignent de ne pas voir renouveler leur permis de travail", confie Marc. Il s'étonne des résultats de la votation de dimanche. "Le taux de chômage en Suisse ne justifie pas cette exaspération. Je pense qu'il correspond plutôt à l'exaspération contre les problèmes de transport et de logement. C'est une recherche de bouc émissaire."

Avec le changement de régime d'assurance maladie des frontaliers côté français, ces derniers ont l'impression d'être "les mal aimés des deux côtés de la frontière". "En France, on nous prend pour des nantis ; en Suisse, on considère qu'on prend les emplois des Suisses", déplore le jeune Français, "alors qu'en réalité, Genève ne peut pas se passer de la main-d'oeuvre étrangère". Il confie que lundi au bureau, la question de la votation a alimenté toutes les conversations. "Les gens sont inquiets pour leur avenir personnel, mais aussi pour l'avenir de l'économie suisse parce que le pays est en train de se couper du marché européen."

Jacques Delqué, 45 ans, habite à Annemasse. Depuis quinze ans, il fait partie du lot de ceux qui passent la frontière au quotidien pour aller travailler à Genève. Cet ancien infirmier, aujourd'hui clinicien et juriste à l'hôpital universitaire de Genève, s'alarme "du contexte nauséabond" de la votation sur le plan humain, mais reste relativement optimiste sur le fond. "La Suisse est coincée, elle connaît un déficit de main-d'oeuvre et, à un moment donné, je pense que le principe de réalité prendra le dessus", espère-t-il. À l'hôpital universitaire de Genève par exemple, sur les 13 091 salariés, plus de 40 % sont des frontaliers. Le secteur de la santé emploie le gros des frontaliers, suivi par ceux de la banque, du bâtiment et de la restauration. Ce salarié dit craindre désormais la recrudescence du travail au noir.

 



11/02/2014
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