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Initiative UDC: il faut peut-être prendre le risque de tout renier

L’Hebdo.ch

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29.01.2014 à 13:18

 

Grégoire Barbey

Les sympathisants de l'initiative UDC «Contre l'immigration de masse» se sont-ils arrêtés au titre du projet de modification constitutionnelle? Je vois fleurir sur mon fil d'actualité Facebook des news sur, par exemple, un Sénégalais qui a volé une voiture, avec comme commentaire: «quand on voit ce que l'on voit, on a raison de penser ce que l'on pense». L'initiative a donc maintenant pour but de débattre de la criminalité étrangère? Et faire des amalgames entre la courbe de la délinquance et le taux d'immigration?

Nous le répétons depuis plusieurs semaines. L'initiative UDC utilise les étrangers comme épouvantail. Mais en réalité, ce qu'elle vise, c'est l'euro-compatibilité de la Suisse à travers les bilatérales. Le Conseil fédéral, dont le mandat est de veiller à l'intérêt général à long terme, participe activement à la standardisation de nos mécaniques juridiques. A court terme, l'Union européenne n'est pas la solution: la situation le démontre. Mais le gouvernement doit préparer l'avenir, et son rôle n'est pas de préjuger du temps comme il va; il doit au contraire prévoir, c'est le principe de la gouvernance.

L'UDC, en faisant rejeter l'adhésion à l'Espace économique européen (EEE) en 1992, a sans le savoir préparé le terrain des bilatérales, qui permettent à la Suisse d'obtenir un traitement de faveur pour que l'Union européenne bénéficie de l'accès à notre marché intérieur, et à des échanges particulièrement intéressants pour sa propre balance commerciale. Cette solution, sur mesure, n'a pas vocation à durer éternellement. L'Union européenne donne beaucoup à la Suisse, et ses représentants espèrent bien certains retours. On le voit notamment en matière de fiscalité des entreprises, où l'Union européenne fait un forcing actif pour que la Suisse s'adapte à ses standards.

Tout est donnant-donnant. Si la Suisse ne peut pas se passer de l'Union européenne (40% de nos exportations, contre 20% pour les Etats-Unis), l'Union européenne peut se passer de la Suisse. Dans la douleur, certes, mais notre pays n'est pas vital à l'Europe des 28. Personne ne veut ça, que cela soit à Bruxelles ou à Berne. Nous connaissons bien nos intérêts, et nous tentons de les préserver. L'initiative UDC est une attaque directe à cette proximité qui s'installe avec l'Union européenne. Las, les Suisses ont refusé en 1992 d'adhérer à l'EEE, de peur qu'une entrée dans l'UE soit la finalité de cette étape. Entre 1992 et 2002, la Suisse a connu une véritable traversée du désert économique.

Le texte du parti de Blocher veut attaquer cette euro-compatibilité pour la réduire à néant. C'est le jeu de la terre brûlée. Nous ne savons pas si nous pourrons renégocier des accords favorables à la Suisse. D'ailleurs, si nous étions nous-mêmes à Bruxelles, nous refuserions toute renégociation. La Suisse a peut-être besoin de connaître un marasme économique pour comprendre la chance qu'elle avait. Peut-être nos concitoyens sont comme des enfants qui testent les limites avec nos partenaires. Si tel est le cas, la volonté populaire prime, ici. Nous l'accepterons. Et nous regarderons nos industries se réduire comme peau de chagrin, nos exportations se tarirent, notre marché intérieur se contracter. Nous verrons comment l'accès au marché unique est une nécessité absolue pour notre économie aujourd'hui.

Si c'est le seul moyen possible pour que les Suisses obtempèrent davantage avec l'Union européenne, en cessant de croire que leur souveraineté est continuellement remise en cause, alors nous sommes prêts à faire face à ce scénario. Parce qu'il ne s'agit pas seulement de notre propre confort à nous. Il s'agit de l'avenir de notre pays. Nos vieux peuvent bien s'opposer à la globalisation des rapports économiques et politiques. Cette transformation est structurelle. Et s'ils veulent nuire aux générations suivantes, qu'ils acceptent cette initiative. Dans une dernière tentative de compter parmi les décideurs de notre pays, nos retraités changeront peut-être la donne. Mais nous, la génération actuelle, savons bien qu'à terme, cette situation n'est pas tenable. En votant non à l'initiative UDC, j'appelle de mes vœux ce rapprochement avec l'Union européenne. Il est inévitable, n'en déplaise à ceux qui ne veulent pas le voir.



30/01/2014
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