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L'immigration n'a pas fait augmenter le chômage en Suisse

Le Monde.fr

11.02.2014 à 07h57

 

Par Mathilde Damgé

 

C'est au lendemain de la votation suisse en faveur d'une limitation de l'immigration qu'ont été publiés les chiffres mensuels du chômage, argument privilégié des militants favorables au retour des quotas – dont l'UDC (extrême droite), à l'initiative du vote de ce week-end.

La proportion de Suisses sans emploi est restée inchangée, se maintenant comme le mois précédent à 3,5 %, a annoncé lundi 10 février le secrétariat d'Etat à l'Economie (Seco) à Berne. A la fin janvier, 153 260 personnes étaient inscrites au chômage en Suisse. Parmi elles, 74 266 étaient étrangères, 78 994 helvètes.

Il y a donc moins d'étrangers au chômage que de Suisses. Proportionnellement, toutefois, la part d'étrangers sans travail est bien plus importante.

Depuis les années 1990, le taux de chômage oscille entre 1 et 6 %.

  • Des travailleurs étrangers amortisseurs de la crise

Allant plus loin, le Seco affirme, dans une étude publiée en juin 2013 : « En permettant aux entreprises suisses de recruter plus facilement de la main-d'œuvre dans les Etats de l'Union européenne et de l'Association européenne de libre-échange, l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) a largement contribué à la croissance de l'économie et de l'emploi ces onze dernières années. »

Paralysée à la mi-2009, la croissance de l'emploi faiblit durant deux trimestres. Comparée au brutal effondrement conjoncturel, la suppression d'emplois reste relativement modeste.Paralysée à la mi-2009, la croissance de l'emploi faiblit durant deux trimestres. Comparée au brutal effondrement conjoncturel, la suppression d'emplois reste relativement modeste. | Office fédéral des statistiques

L'explication : « L'immigration nette durable a soutenu l'économie interne grâce aux dépenses de consommation et aux investissements dans la construction, ce qui a permis d'atténuer les conséquences négatives de la crise en Suisse. »

En réalité, l'immigration « durable » (sans les frontaliers) sert même d'amortisseur à la demande de main d'œuvre, quand on regarde les statistiques du solde migratoire. Ce dernier (en milliers de personnes) suit, avec plus ou moins de retard, l'évolution de la conjoncture économique, représentée ici par les actifs.

Les périodes d'augmentation de la population active ont toujours été liées à des soldes migratoires positifs. A l'inverse, lorsque la demande en main-d'œuvre faiblit, le solde migratoire diminue également.Les périodes d'augmentation de la population active ont toujours été liées à des soldes migratoires positifs. A l'inverse, lorsque la demande en main-d'œuvre faiblit, le solde migratoire diminue également. | Office fédéral des statistiques

  • Une concurrence défavorable aux emplois très qualifiés

« Face à la forte immigration de ces dernières années, le marché suisse du travail a fait preuve d'une bonne capacité d'absorption », résume le Seco. Il a augmenté de façon proportionnelle aux arrivées de travailleurs étrangers.

Dans leur étude publiée en juin dernier (PDF), les chercheurs Favre, Lalive et Zweimüller ont également constaté que la forte immigration n’a provoqué aucun effet général d’éviction, c'est-à-dire une augmentation du chômage ou une réduction de l’emploi pour la population résidente, en raison de la pression migratoire.

Ci-dessous, les effectifs par niveau de formation des nouveaux travailleurs migrants en Suisse sur vingt ans :

Le pourcentage d'immigrés très qualifiés – provenant pour l'essentiel des Etats de l'UE et de l'AELE – a bondi depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association de libre-échange.Le pourcentage d'immigrés très qualifiés – provenant pour l'essentiel des Etats de l'UE et de l'AELE – a bondi depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association de libre-échange. | OFS / La Vie Economique

Selon eux, l’immigration supplémentaire induite par la libre circulation des personnes a certes causé une augmentation du chômage chez les personnes nées en Suisse à hauteur de 0,2 point de pourcentage. Mais ce phénomène s'est limité aux personnes hautement qualifiées.

« Le marché suisse de l'emploi a bien supporté la forte augmentation de l'immigration constatée depuis l'entrée en vigueur de l'ALCP. Ce bilan  réjouissant est probablement à mettre à l'actif du profil des immigrés – pour l'essentiel hautement qualifiés – qui peuvent certes se substituer à des personnes établies en Suisse ayant le même niveau de formation, mais aussi créer des emplois pour d'autres moins qualifiées », écrivent-ils.

Lire aussi : En Suisse, les patrons contre la limitation de l'immigration

 



11/02/2014
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