Suisse Avenir

La dénonciation spontanée offre une porte de sortie

Letemps.ch

Lundi 24 février 2014

 

Par Roland Etienne*

 

La dénonciation spontanée offre une porte de sortie Dans le contexte fiscal actuel, tout contribuable résidant en Suisse détenant encore des avoirs non déclarés devrait profiter des dispositions sur les déclarations spontanées non punissables plutôt que de vivre dans la crainte d’un durcissement qui, d’ailleurs, ne saurait tarder

La pression sur les contribuables suisses possédant des avoirs non déclarés augmente tous les jours. Des projets de loi actuellement en gestation prévoient d’élever l’évasion fiscale aggravée au rang de crime au sens du droit pénal, passible d’une peine d’emprisonnement. D’autre part, les banques suisses deviennent moins tolérantes face à des avoirs non déclarés de leur client suisse, à l’instar de ce qui se passe avec la clientèle européenne.

Cependant, depuis le 1er janvier 2010, des lois permettent aux contribuables suisses de régulariser leur situation fiscale tout en évitant des amendes ou des poursuites pénales. Ces dispositions, sur les dénonciations spontanées non punissables, couvrent à la fois les impôts sur le revenu et la fortune, aux niveaux communal, cantonal et fédéral, à l’exclusion toutefois de la sécurité sociale (AVS, etc.).

Reprenons ci-après quelques principes que tout «bon» contribuable se doit de connaître.

1. Rappel d’impôt ordinaire:

Lorsque les autorités fiscales découvrent par elles-mêmes des revenus et de la fortune non déclarés, le contribuable subit en principe des reprises ou rappels d’impôts calculés sur les dix dernières années. En 2014, par exemple, les impôts soustraits dans le cadre des années fiscales 2004 à 2013 seront repris. Par «impôts soustraits», il faut entendre la différence entre les impôts qui auraient dû être payés durant ces années-là et ceux qui l’ont été effectivement. Des intérêts de retard sont calculés sur ces reprises.

En outre, le contribuable fait également l’objet:

– D’amendes administratives, qui varient entre un tiers et le triple des impôts soustraits. En pratique, elles correspondent souvent au montant de l’impôt, en doublant ainsi la charge.

– D’amendes ou autres sanctions pénales dans les cas d’utilisation de «faux dans les titres».

2. Dénonciations spontanées:

Grâce aux dispositions en vigueur depuis 2010, les contribuables résidant en Suisse ont la possibilité de déclarer spontanément aux autorités fiscales les éléments qu’ils leur ont dissimulés. Si certaines conditions sont remplies, les conséquences se limitent aux reprises d’impôts et aux intérêts de retard pour les dix dernières années. Le contribuable échappe ainsi aux amendes et aux sanctions pénales.

3. Reprises d’impôts réduites pour les héritiers:

Des dispositions très favorables s’appliquent aux héritiers d’un contribuable décédé qui aurait soustrait aux impôts certains éléments de revenu et fortune.

En tant qu’héritiers, s’ils procèdent eux-mêmes, rapidement, à une déclaration spontanée des éléments soustraits par le défunt, ils ne subissent les rappels d’impôts que sur les trois dernières périodes fiscales du défunt et non sur dix, les intérêts de retard étant toujours dus en plus.

4. Conséquences financières en cas de dénonciation spontanée:

Qu’il s’agisse d’un contribuable ou de ses héritiers, le montant du rappel d’impôt dépend, bien entendu, des montants de fortune et de revenu dissimulés dans le passé.

A/Reprise d’impôt sur la fortune: La reprise d’impôt sur la fortune est calculée sur la valeur fiscale des biens dissimulés au 31 décembre de chacune des dix années concernées. Le rappel d’impôt correspond souvent à 5 à 10% de la valeur moyenne des avoirs. Compte tenu des intérêts, le redressement total peut se monter au grand maximum à 11 ou 12% de la fortune dans les cantons les moins favorables. Il sera plus souvent sensiblement inférieur.

B/Reprise d’impôt sur le revenu: Sur les revenus soustraits, qu’il s’agisse de rendements sur des actifs détenus depuis longtemps (dividendes, intérêts, etc.) ou d’autres types de revenus acquis durant les dix dernières années (salaires, honoraires, commissions, etc.), les rappels sont calculés aux taux d’impôts marginaux applicables aux revenus. S’ils peuvent se monter à plus de 45% dans certains cantons, pour des revenus élevés, ils sont fréquemment inférieurs.

La reprise totale, compte tenu des intérêts de retard, peut atteindre 50% des revenus soustraits, dans les cantons les moins favorables. Elle sera souvent moindre, suivant le canton et les montants en question.

5. Cas des comptes bancaires non déclarés:

Les dispositions sur les dénonciations spontanées couvrent les comptes bancaires non déclarés et offrent la possibilité de régulariser la situation du contribuable en échappant aux amendes administratives et aux sanctions pénales.

Prenons à titre d’exemple le cas d’un contribuable ayant dissimulé, depuis plus de dix ans, un compte titres d’une valeur de 1 million. Admettons qu’il subira, dans son canton de domicile, une reprise à des taux élevés, de respectivement 1% sur la fortune et 45% sur le revenu.

Si l’on admet que son portefeuille lui a rapporté, sur dix ans, 2% de rendements imposables en moyenne (dividendes et intérêts notamment, sachant que les gains en capitaux privés sont exonérés), la reprise totale, y com­pris les intérêts de retard,
se montera à 220 000 francs environ, soit 22% de la fortune dissimulée.

Avec un rendement imposable de 4%, la reprise totale se monterait, dans ce canton peu favorable, à environ 32%.

6. Procédure:

Il est habituel de faire appel à un conseiller fiscal afin de déterminer les conséquences financières et d’obtenir une assistance dans les démarches à suivre.

Après étude de la situation, celui-ci sera en mesure de fournir une estimation des redressements d’impôts et des intérêts.

Le conseiller fiscal peut ensuite, une fois la décision prise par le contribuable, l’accompagner dans le déroulement du processus, depuis les contacts avec les autorités fiscales jusqu’à la vérification des taxations finales. Le contribuable et son conseiller doivent néanmoins s’armer de patience, une telle procédure est longue. Elle peut en effet durer, dans des cas complexes, plus de 2 ans avant d’obtenir les bordereaux rectificatifs définitifs.
7. Conclusion:

Dans le contexte fiscal actuel, nous sommes d’avis que tout contribuable résidant en Suisse détenant encore des avoirs non déclarés devrait profiter des dispositions sur les déclarations spontanées non punissables plutôt que de vivre dans la crainte d’un durcissement qui pourrait ne pas tarder!

Kendris constate d’ailleurs, à travers ses bureaux de Genève et de Lausanne, une recrudescence de l’utilisation d’une telle procédure par les contribuables romands.

* Associé de Kendris SA. Expert fiscal diplômé
** Associé de Kendris SA. Responsable marché national région «lac Léman». Expert fiscal diplômé

 



25/02/2014
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