Suisse Avenir

La réforme fiscale en France: chiche!

Le Temps.ch

vendredi 29 novembre 2013

 

L'invité

Par Patrick de Casanove*

Nos amis Suisses auraient probablement soumis une telle réforme à une votation. Ce n'est pas possible en France. Pourtant, si l'on y prête attention, la réforme fiscale est la porte ouverte à une multitude de réformes qui rendraient l'initiative de leurs actions et le libre choix de leur vie aux citoyens

* Président du Cercle Frédéric Bastiat, France

Le 19 novembre 2013, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, annonçait dans Les Echos une remise à plat du système fiscal français. Aussitôt il bordait rigoureusement le projet, elle se ferait «à prélèvements constants». François Hollande ajoutait dans Libération du 20 novembre qu'«elle doit être poursuivie tout au long du quinquennat». On peut se demander quelle est la volonté réelle du gouvernement. Le premier ministre dit vouloir «un contrat solide avec les Français», «un débat citoyen». Suite à quoi il discutera avec… les partenaires sociaux. On reste entre soi, donc pas de mauvaise surprise à attendre. Un projet de cette importance mériterait que l'on implique et consulte les Français. Nos amis Suisses auraient probablement soumis une telle réforme à une votation. Ce n'est pas possible en France. Pourtant, si l'on y prête attention, la réforme fiscale est la porte ouverte à une multitude de réformes qui rendraient l'initiative de leurs actions et le libre choix de leur vie aux citoyens. En France l'Etat se mêle de tout. Il a besoin de ressources énormes pour continuer à priver les Français du libre choix de leur vie. Refondre vraiment le système fiscal c'est remettre en cause l'Etat providence. C'est redéfinir le rôle de chacun, Etat, collectivités territoriales, individus. C'est la voie ouverte à la liberté économique source de prospérité.

Le système fiscal, compliqué et obscur, permet aux hommes de l'Etat de masquer aux Français la réalité de leur modèle social: très coûteux, inefficace et néfaste. Il engendre discorde, chômage et perte de pouvoir d'achat.

Les mesures envisagées sont paramétriques. Il n'y a pas de réforme de structure. En tête de gondole on trouve: la fusion Contribution sociale généralisée et Impôt sur le revenu, la retenue à la source qui sont des mesures techniques. Puis la révision de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le patrimoine, de la TVA, de la fiscalité locale. Il ne s'agit pas de les remettre en cause, ni de réfléchir à l'affectation des impôts, ni de reconsidérer point par point si telle dépense est utile. Il ne s'agit surtout pas d'envisager de rendre tel ou tel secteur à l'initiative privée, ni de rendre aux Français, pour les responsabiliser, la liberté de choisir ce qu'ils font de leurs revenus. Il s'agit de répartir différemment le poids des contributions. C'est évident quand les spécialistes et les politiciens parlent de la répartition des prélèvements entre les particuliers et les entreprises. Cette répartition est fictive. Au bout du compte c'est l'individu, personne physique, qui paie.

Déjà on prépare la population: il y aura des gagnants et des perdants. Les perdants seront invités à se soumettre au nom de l'intérêt général qui sera défini par les travaux des partenaires sociaux. Les différents groupes de pression sont à la manœuvre pour obtenir du pouvoir ce qu'ils désirent: une part plus grande du gâteau pour un moindre coût. «L'Etat, c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde» (F. Bastiat, «L'Etat»). Le pouvoir quant à lui en espère un retour en grâce pour être reconduit par les électeurs.

En interdisant d'emblée toute réforme véritable le gouvernement prend le risque de ne satisfaire personne, de ne pas endiguer le flot des mécontents, de ne pas regagner la popularité perdue, ce qui est son véritable objectif. Il risque d'être débordé bien qu'il pense avoir pris toutes les précautions. Il peut sous-estimer le mécontentement qui est général: médecins, infirmières, sages-femmes, ambulanciers, pharmaciens, biologistes, ouvriers, employés, artisans, commerçants, parents d'élèves, enseignants, policiers et même militaires! La liste n'est pas exhaustive. Pour l'instant il n'y a pas de catalyseur. En voulant éteindre la révolte le gouvernement peut avoir ouvert la voie à la révolution… au moins fiscale.

«Ce n'est donc pas parce qu'il y a peu de lois et de fonctionnaires, autrement dit, peu de services publics, que les révolutions sont à craindre. C'est, au contraire, parce qu'il y a beaucoup de lois, beaucoup de fonctionnaires, beaucoup de services publics. Car, par leur nature, les services publics, la loi qui les règle, la force qui les fait prévaloir, ne sont jamais neutres. Ils peuvent, ils doivent s'étendre sans danger, avec avantage, autant qu'il est nécessaire pour faire régner entre tous la justice rigoureuse: au-delà, ce sont autant d'instruments d'oppression et de spoliation légales, autant de causes de désordre, autant de ferments révolutionnaires» (F. Bastiat, «Services privés, service public»).

Les Français peuvent se prendre au jeu et exiger une vraie réforme. Avec l'usage de la démocratie directe ce serait simple. La discussion serait ouverte dans une atmosphère apaisée. Chacun serait concerné, il y aurait une adhésion véritable au projet. Les bases de la réforme peuvent être les idées des économistes français du XIXe siècle, Bastiat en tête. Il écrit dans «Paix et liberté ou le budget républicain» qu'il faut, pour sortir des difficultés: «Diminuer les impôts. – Diminuer les dépenses dans une proportion plus forte encore.» Ces deux décisions sont premières et indispensables pour réussir, aujourd'hui, la modernisation du pays et l'engager sur la voie de la prospérité. Pour y parvenir il propose la réduction du champ d'action de l'Etat qui se concentre sur les fonctions régaliennes et le filet de sécurité pour les plus démunis. Il les finance par: «Une contribution unique, proportionnelle à la propriété réalisée, prélevée en famille et sans frais au sein des conseils municipaux, y suffit.» Justice et fraternité. Si l'on tient compte des implications de ces propositions la barre est très haute. Si l'on met à plat le système il faut y ajouter l'amnistie des spoliateurs qui ont ruiné le pays, comme des spoliés qui ont mis leurs biens à l'abri! Evidemment ces mesures doivent profiter à tout le monde. A partir de là on peut discuter d'une vraie réforme fiscale!

 

 



03/12/2013
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