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La zone euro n’est pas tirée d’affaire malgré un retour à l’optimisme

letemps.ch

 

Dettes

samedi 26 octobre 2013

Par Marie Charrel

 

L’endettement public de la zone euro est monté à 93,4% du PIB au deuxième trimestre. Des économistes s’alarment de la situation

Ces dernières semaines, la reprise économique observée en Europe a soulevé partout le même espoir. Celui que la crise soit enfin derrière nous.

C’est oublier un peu vite que la zone euro est loin d’en avoir fini avec ses dettes publiques. «Le problème n’a même jamais été aussi brûlant», s’alarme Bruno Colmant, économiste à l’Université catholique de Louvain.

Les chiffres publiés mercredi 23 octobre par Eurostat en témoignent: au deuxième trimestre, l’endettement public de la zone euro est monté à 93,4% du PIB, contre 92,3% au premier trimestre.

Si l’on excepte l’Allemagne et le Luxembourg, les dettes continuent de se creuser partout. Celle de Chypre a gonflé de 10,8 points en trois mois, celle de la Grèce de 8,6 points, et la dette portugaise de 3,8 points.

La crise des dettes souveraines risque-t-elle de redémarrer? Sur ce point, les économistes se divisent en deux camps. Les optimistes soulignent que le niveau absolu de l’endettement ne signifie pas grand-chose. La dette publique nippone dépasse ainsi 180% du PIB depuis des années, sans que cela ne pose problème.

«La soutenabilité de la dette dépend de nombreux autres critères», explique Thibault Mercier, de BNP Paribas. Parmi ces derniers, on peut citer le montant des intérêts à verser chaque mois, le niveau des taux d’intérêt, le montant du déficit budgétaire, la nature des créanciers.

Le camp des optimistes insiste également sur le redémarrage de l’activité qui, en regonflant les recettes fiscales, devrait faciliter le financement des dettes ces prochains mois.

Et cela d’autant plus que les efforts d’austérité fournis par les pays périphériques portent enfin leurs fruits. «Même si tout n’est pas réglé, la reprise remet la zone dans une dynamique positive», ajoute Thibault Mercier. En résumé, les tenants du verre à moitié plein estiment que le plus dur est derrière nous.

Les pessimistes, eux, jugent qu’il est encore devant nous. «Inutile de se voiler la face, la zone euro est en très mauvaise posture», assène Christian Jimenez, président de Diamant Bleu Gestion. «Certes, l’activité repart, mais trop peu, et les causes profondes de la crise sont toujours là», s’inquiète Pierre-Olivier Beffy, chef économiste chez Exane BNP Paribas.

De nouveaux problèmes sont même apparus. Le plus inquiétant d’entre eux: le net recul de l’inflation, tombée à 1,1% en septembre contre 2,6% un an plus tôt, et qui renchérit mécaniquement les coûts auxquels les pays se financent.

Dans ces conditions, les experts de Natixis ont calculé que, pour stabiliser leur dette, les gouvernements devraient dégager cette année un excédent budgétaire de 4% du PIB en Espagne, 7% en Italie, 11% au Portugal et même 24% en Grèce. Un objectif impossible à atteindre.

«La dette publique va donc continuer de grimper dans la plupart des pays périphériques ces prochaines années», résume Charles Wyplosz, économiste à l’Institut des hautes études internationales de Genève.

Sauf retour d’une croissance forte, il semble donc de plus en plus probable que la zone euro doive, tôt ou tard, envisager une solution pour alléger ce fardeau.

En la matière, il existe quatre pistes. La première serait d’imiter le Japon, en autorisant la BCE à racheter à tour de bras et sans condition des obligations souveraines espagnoles, italiennes et portugaises. Mais l’institut de Francfort, comme les Allemands, est réticent à cette idée.

La seconde serait d’inciter les banques européennes à acheter massivement des titres publics en échange de nouvelles injections de liquidités de la BCE. Mais une telle option ne serait pas sans risques et, là encore, n’a pas les faveurs de Berlin.

La troisième option serait de restructurer les dettes des pays les plus en difficulté, comme on l’a déjà fait avec la Grèce. Cela signifierait que les détenteurs d’obligations publiques – essentiellement les banques – subiraient de nouvelles pertes sur leurs portefeuilles.

Dans certains cas, les Etats seraient obligés de venir à nouveau à leur rescousse. Au détriment, in fine, des contribuables.

La quatrième piste, enfin, serait de taxer 10% de l’épargne des ménages les plus aisés, comme l’a évoqué le FMI dans son dernier rapport, et d’utiliser cette somme pour effacer une partie de l’endettement public. Radical. Et pas franchement démocratique. «Quelle que soit la solution envisagée, elle sera douloureuse», conclut Charles Wyplosz.

 

 



27/10/2013
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